Affaire coquerelle

Sophie Tissier: «Je veux juste qu’Eric Coquerel reconnaisse qu’il a eu des comportements déplacés» Libération du 04 juillet 2022
		L’ancienne figure des gilets jaunes dénonce des comportements «lourdingues» possiblement qualifiables d’«agression sexuelle» qui remonteraient à une soirée à Grenoble en 2014. Elle a saisi ce dimanche le comité des violences sexistes et sexuelles de LFI. Eric Coquerel, lui, dément. Le député insoumis Eric Coquerel est mis en cause pour de supposés comportements déplacés. Son accusatrice, Sophie Tissier, ancienne figure des gilets jaunes et coprésidente du parti Union citoyenne pour la liberté a saisi ce dimanche matin le comité des violences sexistes et sexuelles de LFI. Ce dimanche midi, Coquerel a nié en bloc, réfutant toute «drague agressive» ou «geste déplacé» à l’encontre de Sophie Tissier. Il a notamment été soutenu par Jean-Luc Mélenchon. Auprès de Libération, Sophie Tissier dénonce des comportements «lourdingues», qu’elle juge possiblement qualifiables d’«agression sexuelle», remontant à une soirée à Grenoble en 2014. Elle espère qu’Eric Coquerel «va reconnaître» les faits et se dit «écœurée» face à la défense de l’élu par différentes personnalités du parti. Comment prenez-vous les dénégations d’Eric Coquerel et de La France insoumise après votre signalement ? Je suis en colère, je suis écœurée, il me dégoûte. Ça me dégoûte aussi de voir que tout le monde le soutient de manière indéfectible, alors qu’il est connu comme le loup blanc pour être un dragueur lourdingue, un peu salace. Remettre en cause ma parole aujourd’hui est une faute morale. Je suis même un peu étonnée. J’espère que je vais libérer la parole d’autres femmes. Quels faits reprochez-vous exactement à Eric Coquerel ? Ce sont des faits qui remontent à fin août 2014, lors d’une soirée dansante après les universités d’été du Parti de gauche à Grenoble. J’avais laissé ça sous le tapis car, même si je considère qu’ils sont graves, je ne suis pas sûre qu’ils relèvent du délit. C’est de la drague lourdingue, des contacts physiques… Mais je pense que cela peut être reconnu comme une agression sexuelle. On était dans une soirée à Grenoble. Il se collait à moi, à mes fesses, je sentais qu’il me humait, qu’il me reniflait les cheveux. Il était insistant, il me reluquait. Il me faisait des réflexions graveleuses. Il a insisté pour me faire danser, je me suis échappée, je l’ai ignoré. Puis on a été en boîte, je ne me souviens plus s’il est monté dans ma voiture. Dans la boîte de nuit, il a recommencé à venir me coller, j’ai été plus ferme et lui ai clairement demandé de me laisser tranquille. Je me souviens être allée aux toilettes et me retourner plusieurs fois en craignant qu’il me suive. Je ne savais pas à quel point il serait dangereux ou pas, je sentais que j’étais sa proie. La soirée est arrivée à sa fin. Il a commencé à m’envoyer des SMS : «Rejoins-moi dehors, je vais à mon hôtel.» «Rejoins-moi dans le taxi, j’ai un super hôtel, tu ne vas pas regretter.» «Ne fais pas ta mijaurée ne sois pas coincée.» J’ai trouvé ça gonflé de sa part. Malheureusement, je n’ai plus ces textos.Pourquoi prendre la parole aujourd’hui ? Quand j’ai vu que Rokhaya Diallo s’exprimait, je n’avais pas prévu de parler. De reparler plutôt, de retémoigner. J’ai fait un tweet de soutien à Rokhaya Diallo avec le compte Force jaune en expliquant que l’on peut attester des comportements problématiques d’Eric Coquerel. Derrière, j’ai été recontactée par des journalistes qui avaient retrouvé mon témoignage, anonyme à l’époque, dans un magazine [Causette, ndlr]. J’ai confirmé que c’était moi, puis j’ai décidé de témoigner publiquement. Aujourd’hui, tout s’emballe, il faut suivre la démarche jusqu’au bout. Jusqu’à porter plainte ? Il n’est pas exclu que je porte plainte, s’il faut le faire, je le ferai. Pour l’instant, je veux juste que mon témoignage soit entendu et qu’Eric Coquerel reconnaisse qu’il a eu effectivement des comportements déplacés. Qu’il fasse amende honorable. Ça aurait même éteint l’incendie [médiatique] je pense. Mais visiblement, il est dans le déni total et c’est ça qui est terrible. J’ai envoyé mon signalement au comité des violences sexistes et sexuelles de LFI ce dimanche matin mais je n’ai eu aucun retour pour le moment. Je pensais que l’on me contacterait, Danielle Simonnet par exemple qui gère ce comité. Celui-ci a été créé en 2018, je ne sais pas trop comment il fonctionne concrètement, j’ai envoyé mon signalement à l’adresse mail dédiée et maintenant, j’attends. Malheureusement, pour le moment, je suis un peu seule. J’attends d’eux qu’ils m’entendent, qu’ils me reçoivent, qu’ils prennent ma parole en compte. Est-ce que vous faites un parallèle avec l’affaire Abad ? Pas un parallèle, non. Mais le comportement qu’a eu Eric Coquerel avec moi est le continuum des comportements sexistes et machistes que subissent les femmes. Cette histoire m’a marquée. Aujourd’hui, certains me voient comme une traîtresse à la gauche. C’est la culture machiste qui existe dans le monde politique, et LFI ne déroge pas à la règle. Les femmes ne peuvent plus rester à leur place, subir et se taire.